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Va donc, hey !... Tabernak...
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23 octobre 2016

Après Polyglotte

Je me suis réveillée avec un goût d'encre dans la bouche.

Revenir sur le blog, après saecula saeculorum? Impensable et en même temps... je fais ce que je veux, c'est mon blog!

En reprenant la plume, une fois n'est pas coutume, je m'adresse à l'univers peut-être plus qu'à vous, chers parents et amis de France qui me suiviez dans mes aventures rocambolesques, quand je volais pour la première fois de mes propres ailes sur une terre encore en friche.

J'éprouve le besoin de faire ici mention d'un changement survenu il y a un peu plus d'un an. C'est un changement radical et très lent, non de vie, mais de soi. Une distallation patiente en un condensé nouveau, plus fort, goût pur malt.

Il y a un an, quasiment jour pour jour, je participai pendant trois semaines à une création théâtrale québécoise professionnelle, en tant qu'actrice. Ceux d'entre vous qui sont sur Facebook en ont certainement eu brise. Le spectacle faisait jouer des «non-acteurs» issus de l'immigration et présentait leur difficile parcours dans un système canadien bien huilé et volontiers castrateur - une allégorie à base de réalité, si vous voulez. Nous huit (ou neuf, une comédienne est partie entre les deux reprises) jouions nos propres rôles, avec nos vrais noms. Nous avons créé la pièce lors du plus grand festival de théâtre américain, le Festival TransAmériques, pendant 5 soirs.

 

POLYGLOTTE | FTA

You need Flash player 8+ and JavaScript enabled to view this video. OLIVIER CHOINIÈRE + ALEXIA BÜRGER | L'ACTIVITÉ Bienvenue dans votre pays où l'étranger, c'est vous. Cours de langue et test de citoyenneté à l'appui. Détails Ô CANADA Regard acéré, humour acerbe.

http://fta

Puis repris au mois d'octobre 2015 trois semaines d'affilée.

Polyglotte - Théâtre Aux Écuries

Huit immigrants sont conviés à un examen de citoyenneté signé Olivier Choinière. Une voix, sorte de Big Brother canadien, leur pose des questions sur la culture et l'histoire canadienne, le plus souvent par le biais de mises en situation en anglais et en français censées tester leurs connaissances... ou leur docilité?

http://auxecuries.com

 

Ici, un petit historique s'impose.

Pour bien comprendre, je crois qu'il faut remonter à fin juillet 2013: j'étais au festival d'Avignon avec mes parents - un des grands rêves de ma vie se réalisait - mais nos coeurs étaient dans le trouble. Nous savions que mon Onk'John, l'unique frère de ma maman, n'allait pas bien du tout. La veille de mon anniversaire, alors que nous rentrions au gîte après un dernier spectacle, un coup de fil de ma tante... mon père s'arrête sur le bas-côté de la route, en pleine nuit... et le monde s'écroule pour la deuxième fois en un an.

Retour groggy au Québec après cet été douloureux. Impossible de vous décrire mon état, ma mémoire-cache a dû se charger de l'effacer pour la survie du système. Tout s'est enchaîné très vite à partir de là. À l'automne 2013, je donnai ma première - et unique à date - charge de cours en remplacement d'un prof en congé maladie à l'Université Laval à Québec (la ville), une des meilleures universités de la province. Tout un cours sur Molière, mon héros, à monter dans le rush, alors que je n'y croyais plus. Ensuite en mars 2014, opportunité de changement d'air (et j'en avais besoin) pour enseigner au cégep cette fois-ci, et à temps plein, 16 heures par semaine, à Rouyn-Noranda en Abitibi-Témiscamingue, le Far West du Québec, à 7-8 heures de route de Montréal, après une immense forêt de sapins. Ces trois mois de suspension m'ont fait un bien fou et m'ont réconciliée définitivement avec la Belle Province et ses habitants, à un moment où je n'en menais pas large. Enfin des gens qui prenaient le temps. Et qui étaient fiers de partager le lieu où ils vivaient, de montrer leur patrimoine à leur amie venue de loin.

Ensuite, je me suis stabilisée dans des boulots alimentaires (rédaction de sous-titres, que j'exerce encore actuellement). Et il y a eu Polyglotte, par un concours de circonstances assez incroyable. J'étais encore à Rouyn, et j'apprends par courriel qu'Olivier Choinière, le plus original et engagé des auteurs et metteurs en scène québécois reconnus, dont le dernier spectacle m'avait littéralement arraché les cheveux, cherche des immigrants pour son laboratoire de création. Juste une série d'entrevues en groupe, enregistrées par lui, pour parler de nos expériences depuis notre installation. Dont la dernière a lieu le 7 juin 2014, soit le lendemain de mon retour à Montréal. Je pleure devant mon écran, je supplie pour participer quand même, par Skype, par pigeon voyageur, n'importe comment. Mes efforts sont appréciés, mais le résultat n'est pas très concluant; au moins j'assure ma présence à la fameuse dernière rencontre. Quelques mois plus tard, autre proposition venant de l'équipe: participer à un stage qui pourrait déboucher sur un recrutement pour jouer dans la pièce elle-même. Entrevue préselective individuelle avec les deux metteurs en scène du projet, pour sonder notre intérêt, choix d'une douzaine de chanceux; je suis retenue. Le stage a lieu en novembre... Une semaine où je me dis: pincez-moi, je rêve. Puis quelques semaines interminables où j'attends de savoir qui ils vont prendre pour jouer... J'envoie même un beau courriel pour les remercier, réitérer mon intérêt qui s'est affirmé pendant la semaine et faire part de ma grande motivation à cette perspective. On a commencé les répétitions en mars 2015, à raison de trois ou quatre par semaine, en plus de mon travail à temps plein. Première le 31 mai.

Il faudra que je narre un jour tout ce qui s'est passé dans ce projet unique en son genre, avec ces gens venus de partout dans le monde, le bonheur que nous avons eu à jouer ensemble. Que je vous décrive en détail comment on a travaillé, les étapes par lesquelles nous sommes passés. Le trip que c'était de jouer sur la scène du Théâtre Aux Écuries, dirigée par des professionnels aussi impressionnants.

Cette expérience a changé mon point de vue sur la vie. Elle provient d'une part de chance et d'une part d'enthousiasme communicatif et de pousser-son-but. Elle s'est conclue par une vértiable remise en question de comment je menais cette vie.

Eh oui, le théâtre - l'avais-je oublié ? - a toujours été et demeure encore la passion qui me guide et m'anime. J'ai poussé loin mes études littéraires, toujours en lien avec le théâtre. Depuis que j'ai repris les cours de jeu à 21 ans, j'ai toujours eu un ou deux projets de pièce sous le coude, à jouer ou mettre en scène. C'est comme si ma vie était coupée en deux: ce que j'aime faire d'un côté, c'est-à-dire pratiquer le théâtre, le mettre en pièces dans tous les sens du terme, et, de l'autre, ce que je me forçais à faire pour être dans le droit chemin, c'est-à-dire réfléchir sur le théâtre et la littérature dans un cadre académique pour briguer un poste de professeur.

Polyglotte a fait éclater cette sage répartition. À cette occasion, j'ai touché du doigt ce que ce serait, vivre dans ma passion. Évidemment, il ne faut pas se le cacher, nous étions dans des conditions exceptionnelles, même pour des professionnels, avec des bons moyens techniques et financiers, avec une équipe ultra-compétente, sous la direction d'un grand nom du théâtre contemporain, plusieurs fois récompensé pour son oeuvre et au faîte de sa carrière. Ce n'est pas la réalité de l'immense majorité des acteurs, metteurs en scène et auteurs, qui en bavent bien plus pour travailler régulièrement. Nous, les non-acteurs, avons été très à l'abri de cette réalité, préservés même pour le propos de la pièce, qui était non pas d'être réaliste, mais de garder un souci de vérité sur notre vécu. Je connais cette écrasante réalité de l'acteur, surtout étranger, à Montréal, grâce notamment à ma première coloc, Aurélie, et à de nombreux amis du milieu. Rien de bien réjouissant, vu l'état des politiques culturelles. Malgré cette conscience aiguë, le désir de rallier les deux côtés de ma vie s'est depuis ce moment emparé de tout mon être, esprit et corps, avec une violence jamais éprouvée auparavant. Autant vous dire que ce n'est pas une période facile, et que ça continue de me bouleverser jusque dans ma vie intime. Après Polyglotte, j'ai ressenti l'urgence de sortir de moi-même, de prendre des risques - en y pensant quand même à deux fois, là! J'ai voulu donner une chance d'émerger à d'autres aspects de ma personnalité restés jusque-là très enfouis. Je continue à forer, avec la peur, la jubilation et la curiosité de savoir où ça va me mener.

J'ai décidé d'arrêter de me mentir. D'assumer que je veux faire du théâtre non pas un aspect de ma vie, mais ma vie au complet. C'est pourquoi j'ai mis en suspens mes récents développements de carrière dans l'enseignement au niveau collégial - alors que je venais d'être engagée au collège Jean-de-Brébeuf, le plus prestigieux collège privé du Canada - pour tenter l'aventure de l'Art. Je monte actuellement un dossier de candidature pour l'École Nationale de Théatre du Canada, programme Mise en scène. Deux ans et demis de plongée totale dans l'océan Scène. Seulement deux admis tous les deux ans pour une cinquantaine de postulants. Beaucoup de trafic d'influences évidemment. À mon âge et venant d'ailleurs, c'est de la folie, je ne peux pas compter uniquement là-dessus - et ce n'est pas le cas - mais, de façon complètement farfelue et absurde, j'y crois. Pour la première fois de ma vie, je sais que je ne me trompe pas, même si l'essai se solde par un échec. Vous connaissez mon légendaire scepticisme -- eh bien, avec l'amour de mes parents et de mes amis très proches, c'est la seule chose que n'affecte pas mon doute existentiel, cette compagne douce-amère. Ça ne veut pas dire que le chemin sera bordé de roses, que j'y marche d'un pas tranquille et ample, oh que non. Je n'ai pas évité cette confrontation avec moi-même depuis tant d'années pour rien, vous imaginez bien. Je suis souvent paralysée par la terreur de me planter et la grande flemme qui m'envahit toujours lors de ces affres. Mais quelque chose au fond se réveille et me fait avancer. Sans compter le soutien très précieux, et souvent très enthousiaste, de mes amis et de ma famille. J'ai même demandé - horresco referens - au grand Choinière, qui me tétanise de crainte tellement j'ai de respect et d'admiration pour l'artiste qu'il est, de m'aider dans cette démarche -- moi que personne ne connaît, qui n'ai jamais vraiment produit quelque chose qui mérite d'être mentionné, qui arrive aussi nue et pure qu'un martyr chrétien dans l'arène aux lions, innocente comme l'agneau pascal. Et vous savez quoi? Il doit être pas mal dingue aussi, parce qu'il a accepté. Bon, c'est pas gagné d'avance, parce que c'est un mec très occupé. Je vous l'ai dit, c'est le plus talentueux auteur de sa génération et de sa province. Et qu'on le veuille ou non, cette histoire pourrait aussi jeter une légère ombre sur sa crédibilité, si jamais il choisit un mauvais poulain. Ou lui donner encore plus de classe, si jamais je m'en sors pas trop mal.

Même si mes rêves d'accomplissement pourrissent sur pied et qu'à l'heure du bilan je constate, God damn me, que ma vie a foiré lamentablement faute de persévérance ou de jugeotte, ou à cause d'un malheur quelconque... il me restera quand même cette formidable expérience de scène, et la grande question qu'elle aura suscitée: que faire après Polyglotte?

 

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Commentaires
J
Deus tecum ! What else ?
P
Quelles émotions je ressens en lisant ces lignes !! est-ce ma fille ? je découvre des sentiments et des émotions que tu n'as pas exprimées lors de nos discussions ... c'est troublant, étonnant, émouvant !! Tes craintes, tes peurs, mêmes si nous y pensions, je ne les imaginais pas à ce niveau ... Tu te poses des questions sur ton chemin, ta vie ? elle est déja fort bien remplie et réussie !! tes choix ? maman et moi nous t'y encourageons car il vaut mieux faire ce que tu aimes par dessus tout, même si nous regrettons un peu que tu ne te sois pas épanouis dans une carrière universitaire. Mais après tout, le théâtre est une forme plus artistique qui est aussi au service de l'enseignement. Alors va, vole et atteins ton but ... nous serons toujours là pour t'aider et te soutenir !! A ma fille que j'aime ....
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