Profil bas ou The Importance of Being Modest
Hello les amis
je ne serai pas bavarde aujourd'hui, je ne suis pas très fière de moi.
Hier soir, après moult tergiversations et retournements de veste, je me suis poussée au train pour rencontrer des représentants de la communauté anglophone de Montréal. Glissant, comme un train fou de Super-8 dans une fête foraine hallucinée, par plusieurs phases d'euphorie puis d'abattement, quand je pensais à mon niveau d'english, de doutes voire d'angoisse existentielle, puis de vibrants sursauts d'orgueil, tandis que je m'acheminais d'un pas fermement incertain vers le Café "Les Entretiens", sur Laurier Est, j'avisai soudain la chaleureuse maison nichée au coeur de la nuit, sa lumière tamisée irradiant jusqu'au trottoir. Le groupe était en pleine lecture dinatoire de Finnegans Wake, l'une des fascinantes oeuvres de Joyce, et livre fétiche de Raphael, l'organisateur de la soirée. Plus retors, plus alambiqué, plus original et poétique, plus néologistique, plus perplexifiant et stubêtifiant, plus frissoniphile et puzzléoforme, plus effarouchâssieux et incroyabrantesque que ça, tu passes à l'aise au paradis des bibliophages, et avec un billet classe affaires. Mais c'est là le moindre défaut. Si encore on avait abordé le vaisseau Joyce en français, à coup de dictionnaires bilingues et de lexiques gréco-latins, j'aurais pu espérer avoir une ébauche de début de commencement initial d'explication; mais dans une langue qui n'est même pas celle de Shakespeare, que j'aurais peut-être mieux entravé - qui sait, mais de Canadiens intellos d'une autre planète - misère ! pas la plus petite occasion de rebondir sur une remarque de style ou l'étymologie d'un mot inventé, j'étais complètement dépassée et malheureuse - dépassée par la vitesse des échanges dans une langue qui, depuis que j'ai entrepris son apprentissage il y de cela bien des années, s'est révélée être l'ennemie jurée de ma jugeotte et par la difficulté de capter des bribes de commentaires dans une ambiance bruyante et festive de bar un jeudi soir; malheureuse, trois fois malheureuse de n'avoir pas le courage d'interrompre le flot de la conversation pour y risquer une intrusion d'un anglais approximatif et d'une prononciation mal assurée, qui aurait, selon toute probabilité, sombré corps et biens dans le brouhaha et l'indifférence générale de mes coréligionnaires. Je me suis sentie tellement nulle, tellement pas à ma place, tellement mise au ban faute d'être bilingue (car il faut le dire, ils se sont assez vite détournés de mon avis quand ils ont compris que je ne maîtrisais pas du tout leur patois), que j'ai fini par payer mon vin de Castillo et me barrer avant la fin de la séance, le cerveau en bouillie et le moral dans les chaussettes (c'est dommage, le duo piano-contrebasse allait entamer la deuxième partie du concert). Et bien sûr, je m'en suis voulu de ne pas m'être lancée sans souci du qu'en-dira-t-on, pour une fois que j'avais l'occase de pratiquer cette langue abhorrée mais si mondialement reconnue qu'il est impossible d'y échapper, où que l'on fuie, surtout dans une mégapole américaine, etc. Jamais je ne progresserai vraiment à l'oral si je brise pas le tabou, je le sais bien, je ne sais même que ça, mais j'y arrive pas, à chaque fois c'est un énorme blocage, qui me laisse encore plus piteuse et la queue basse qu'un pitbull châtré. Il me faudrait un ami anglophone qui me pousse à parler avec lui, qui m'encourage, me corrige, mais on peut toujours demander à la lune de faire un tour sur elle-même en changeant de couleur. Et puis, comment me faire un pote anglo si je fais pas un minimum d'effort ! Soyons logique, c'est le serpent qui se mord la queue !
C'est pas que je ne veux pas faire d'effort, et puis après tout le ridicule ne m'a jamais tuée ni même fait peur (vous êtes au courant !), mais j'ai besoin (c'est bête mais c'est comme ça) d'être en confiance pour oser.
Enfin voilà, j'ai les boules, et je ne peux m'en vouloir qu'à moi-même. Heureusement, à part ça, le temps est magnifique, le soleil radieux, les arbres se dorent de jour en jour, et le fond de l'air est frais. Alors pourquoi me plaindrais-je ? Arf.
*****
D'autant plus que d'autres n'ont pas la chance d'être à des milliers de kilomètres de leurs soucis (pour en trouver d'autres, certes, mais au moins j'ai le divertissement de la nouveauté), et de se la couler douce dans un pays de Noël idyllique. Je pense en particulier à mon ami Olivier, le pilier, l'architrave (ça veut pas dire qu'il est à fond transsexuel, hein !), la poutre, le moellon et la croisée d'ogives de ce blog, dont j'ai appris tout récemment les malheurs... dont il se remet actuellement, rassurez-vous. Je me disais bien qu'un truc clochait, pour disparaître ainsi des pages de KTK, sans plus donner signe de vie ! Tout Kondonc se joint à moi pour lui souhaiter un prompt rétablissement et une santé encore plus florissante qu'un cerisier au printemps... Courage, vieux, on te lâche pas !! :)