Cette fleur m'a scié
Salut la compagnie !
voilà dix jours que je ne vous ai pas écrit !! C'est un scandale !!! Vous n'avez pas encore appelé la police ?? la brigade des moeurs ??? les alcooliques anonymes ???
Ai-je seulement une bonne raison ? Non, si l'on considère les petits mots d'amour que les plus fidèles d'entre vous m'ont laissé durant cette insupportable absence. Oui, si l'on prend en compte la grande montée d'adrénaline de ces dernières semaines. Le séminaire des représentations de la guerre s'est terminé en fanfare et cornemuse vendredi dernier, pour enchaîner sur... mes premiers pas sur une scène québécoise !! Dans le rôle de Jasmine, coiffeuse d'origine mauricienne, dont vous avez déjà entendu parler sur ce blog-même !! (comme quoi, vous êtes bien renseignés), dans une pièce américaine adaptée au réalisme franco-canadien, intitulée Fleurs d'acier, de Robert Hartling.
Vous connaissiez de longue date (voir chapitres précédents) mes réticences et mes atermoiements concernant ce petit chef-d'oeuvre. Comment un dramaturge respectable pouvait-il mettre des conversations de salon de coiffure sur une scène de théâtre, je vous le demande ? C'était faire offense à l'art suprême de Molière et de Marivaux. Eh bien, même si ce genre n'est décidément pas ma tasse de thé (tchin tchin !), j'ai fini par les adopter, ces gentilles madames de Coaticook, avec leurs coupes de cheveux, leurs petits problèmes quotidiens, leurs grandes questions existentielles et leurs fleurs de Bach (des fleurs de Bach ?? Mais qu'est-ce c'est ço ??? Eh bien, si vous lisiez plus souvent Vogue ou Elle, vous le sauriez, esprits peu curieux !!), j'ai aimé jouer les coiffeuses au langage fleuri qui n'ont pas froid aux yeux mais la langue bien pendue. Voici, pour vous donner une idée, quelques échantillons de ses subtiles interventions : "J'ai déjà eu un radio (comprendre : une radio, pour les Français), mais le premier jour que je l'ai eu, je l'ai lancé contre le mur parce qu'il jouait juste des tounes d'amour que je trouvais quétaines. C'est après j'ai réalisé que c'était la veille de mes menstruations", ou bien : "Prends toi donc des caramels dans le pot là. C'est les meilleurs : ils sont durs au début, pis quand tu les suces un peu ils te fondent dans la bouche. Les deux choses que j'aime le plus, dur au début, fondant à la fin....", ou encore : "Elle priait peut-être parce qu'elle a la petite culotte de prise dans la craque". Que du bonheur !! On peut dire que j'hérite toujours du rôle le plus adapté ! Je dois avouer que je me suis bien amusée à me lâcher sur des énormités pareilles en toute innocence, et que c'est assez jouissif d'en savourer l'impact sur l'audience... Au-delà du côté provoc candide, cette expérience m'a fait effleurer (avez-vous remarqué l'emploi finement nuancé des différents mots de la famille de "fleur" tout au long de ce pétulant post ?) une autre dimension du jeu théâtral, une gamme plus libre, où mon corps a enfin réussi à se détendre un petit peu, à trouver ses marques dans la comédie, à naviguer à l'aise. J'ai retrouvé un côté perdu, instinctif, du jeu enfantin, qui a été bien enfoui depuis plusieurs années, et qui a émergé pendant ces deux soirs de représentation, comme la plus petite partie de l'iceberg. Inquiétante et familière étrangeté...
Bref, malgré mes jérémiades, j'ai encore une fois kiffé ma race sur les planches brûlées de mon triomphe !! HAHAHAHAHAHAA !!!!!!!!
Pouf pouf.
Après la dernière, samedi, on a pris le théâtre pour notre table de pique-nique, pour ripailler avec la bonne chère que Jocelyne, alias Annelle, mon aide coiffeuse, a apportée pour nous délecter. La scène s'est même transformée en karaoké, puis en piste de danse, pour ultime défouloir. On a bu, ri, mangé, échangé impressions, sensations et confidences, comme on aurait dû le faire depuis bien longtemps. Mais mieux vaut tard que jamais ! Beaucoup d'estime entre les membres du groupe, mais hélas pas beaucoup d'occasions, jusqu'à cette soirée, de le montrer, à cause du rythme endiablé des productions nord-américaines... ? Tout le monde était content, ému, peu pressé de partir... A tel point qu'un "post-mortem" aura lieu fin juin chez Joce-Annelle, décidément toujours hot, dans sa grande maison avec piscine, spa et barbecue (s'il vous plaît !!) à Varenne....
Quand je vous dis que le théâtre a du bon....